Moonlight et Roma
Je viens de voir ces 2 films hier et avant-hier (février 2019), l'un à la télé l'autre sur Netflix. Moonlight a reçu l'oscar du meilleur film l'an dernier, Roma a des chances de l'avoir cette nuit. Et quelque part, ces deux films qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre comme histoire (si on peut parler d'histoires d'ailleurs mais j'y reviendrai) se ressemblent à plus d'un titre.
D'abord Moonlight : j'étais curieuse de revoir l'acteur de "Green Book" Mahershala Ali. Dans Moonlight il joue un personnage bien différent mais sa la présence à l'écran est tout aussi impressionnante. C'est vrai qu'il s'agit d'un film poétique, avec de belles images (beaucoup de bleu). Malgré tout j'ai été plutôt déçue par cette histoire racontée en trois volets, et surtout par la dernière partie : les deux acteurs qui jouent Chirron enfant puis ado se ressemblaient, celui qui joue Black adulte n'a plus rien à voir avec eux, il y a trop de temps écoulé entre eux et on ne reconnaît plus le gamin timide dans ce voyou endurci. C'est dommage.
La façon de filmer m'a aussi dérangée : les scènes se suivent sans lien entre elles, la caméra est concentrée sur les personnes et on voit trop peu du décor dans lequel ils interviennent. Si on y ajoute le manque d'histoire véritable (car le film pourrait s'arrêter vingt minutes plus tôt ou continuer encore vingt minutes sans que cela ajoute ou retranche rien), cela donne un résultat déséquilibré et artificiel. Le réalisateur parvient quand même à faire son film avec une équipe composée exclusivement d'acteurs noirs, sans que cela apparaisse forcé et surtout sans que cela nuise à l'intérêt du spectateur et cela grâce aux acteurs justement.
Maintenant Roma : il s'agit du quartier de Mexico dans lequel le réalisateur Alfonso Cuaron a grandi dans les années 70. Là aussi c'est un film sans véritable histoire, on suit plutôt les personnages pendant une année, sans beaucoup de lien entre les scènes successives. C'est très beau esthétiquement (noir et blanc) et les acteurs sont phénoménaux de naturel : il paraît qu'ils on dû surtout improviser leurs textes, et ça se sent. Au contraire de certaines critiques, je n'y ai vu aucun racisme même si bien sûr la domestique est d'origine indienne (elle est adorable) et la patronne est de type occidental. Cleo, c'est le nom de la petite bonne, n'est nullement mal traitée et jouit de l'affection sincère des enfants de la famille, et probablement aussi de celle de leur mère. Mais elle reste une domestique subalterne, c'est vrai, comme il y en avait beaucoup dans tous ces pays il n'y a pas si longtemps encore (chez nous le phénomène est plus ancien, ou alors limité à une frange bien plus riche de la population)
Cleo a des problèmes et se retrouve seule pour y faire face, sans beaucoup de moyens à sa disposition. Mais sa patronne a ses propres soucis (son mari la plante là avec ses 4 enfants) et tout ce qu'on peut y voir c'est une constatation désabusée : "à chacun sa merde", sans aucune acrimonie. Le metteur en scène n'a pas voulu faire un drame social sur fond de lutte des classes, tout est plus subtil et délivré par petites touches impressionnistes. C'est du cinéma "art house", proche sans doute des néo-réalistes italiens d'après la guerre auxquels Cuaron a peut-être voulu rendre hommage... En tout cas malgré sa longueur le film sait retenir l'attention et nous intéresser au sort de Cleo, dont le sourire illumine l'écran dès qu'elle y apparaît.
Finalement (lundi 25 février) Roma n'a pas eu l'oscar du meilleur film, mais celui du meilleur film étranger aux dépens de Cold War (également un film en noir et blanc d'ailleurs) et celui du meilleur réalisateur pour Cuaron. Je pense que c'est un beau film, et plus ambitieux que Green Book qui l'a emporté. Mais pas un film main stream (ce qui n'est pas un défaut)
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