mon discours de politique générale
Voilà ce que j'aurais aimé entendre de la bouche de Manuel Valls mardi soir, ou de celle de Hollande dimanche :
Oui mes chers compatriotes, vous n'êtes pas satisfaits et vous attendez de l'équipe au gouvernement qu'elle améliore concrètement votre situation, notamment celle de l'emploi et des revenus.
Je vais vous dire ce soir deux choses très graves :
- en premier lieu, il ne sera pas possible de réaliser le catalogue des promesses de la campagne de 2012. Je me suis trompé, je n'aurais pas dû vous promettre autant, c'était inconsidéré et c'était vous induire en erreur. Il s'agissait de promesses destinées à convaincre un électorat, pas d'engagements à réaliser. Je le regrette mais c'est ainsi. Il existe quelque chose qui s'appelle "la contrainte extérieure", et cette contrainte se fait sentir aujourd'hui pour la France plus durement que ce n'a jamais été le cas.
Sous la forme d'une dette abîssale d'abord, dont les intérêts sont de plus en plus lourds. Cela chaque foyer peut le comprendre : quand on est endetté, il faut rembourser en payant des taux d'intérêt. Il y a donc urgence à faire disparaître la cause de cet endettement. Ce que je vous dis là, c'est du bon sens et pas autre chose.
Nous arrivons à la deuxième contrainte extérieure, celle du déficit public, source principale de notre endettement : il sort plus d'argent (en milliards d'euros) de nos caisses qu'il n'en rentre. Quelle est la réponse qui s'impose dans une situation pareille, pour chacun d'entre vous comme pour la France ? il faut faire rentrer plus d'argent (et pour ce faire nous avons besoin d'une croissance plus forte), et il faut bien entendu réduire les dépenses. C'est-à-dire partir à la chasse aux gaspillages (ils sont nombreux) et aux disfonctionnements. Il faut se conduire plus raisonnablement. ll faut en un mot comme en cent, réduire son train de vie.
Oh je sais bien que ce mot fait mal à entendre ! pourtant, rappelez-vous un instant, pour ceux d'entre vous qui étaient déjà nés à cette époque : vivions-nous si mal que cela dans les années 70 ? nous avions la télévision en couleurs, la machine à laver et souvent un lave-vaisselle, une auto devant la porte pour la grande majorité des Français, nous mangions à notre faim et une bonne partie de vous partait en vacances une fois par an. Alors quand vous entendez parler de baisse du niveau de vie, pensez surtout que votre niveau de vie a augmenté dans des proportions plus que sensibles depuis cette époque (et encore plus si on se réfère aux années 50). Ce qui devrait nous laisser des marges de manoeuvre : il ne s'agit pas pour moi de prôner un retour à ce mode de vie, je ne suis pas l'avocat de la décroissance. Mais je trouve que les protestations et les réactions outragées sont ici déplacées.
Et ce niveau de vie qui a tant augmenté en quelques décennies, à quoi est-ce que nous le devons ? à la croissance de l'après-guerre, et à l'environnement économique favorable que nous a offert (à nous Français et à nos voisins) la construction européenne depuis 1950.
Ne l'oublions jamais, en ces jours où il est de bon ton de critiquer "Bruxelles" : Bruxelles, c'est nous. Le Conseil Européen, qui décide finalement de ce qui se fait après la recherche de subtils compromis, c'est la voix des 28 pays membres. Et comme chacun dispose d'un droit de veto, il n'y a RIEN qui ait été décidé par Bruxelles, qui ne l'ait en fait été par les 28 gouvernements. Donc par leurs électeurs, puisque nous vivons dans des démocraties. Donc par vous tous ou vos représentants.
Nous avons tous eu beaucoup trop tendance au cours des années récentes, à faire des institutions européennes le bouc émissaire tout trouvé pour tout ce qui ne marche pas bienchez nous. C'est une erreur, et je suis décidé à mettre fin à ces pratiques de facilité qui manquent singulièrement de courage et d'honnêteté.
Mais revenons à cette contrainte extérieure : oui elle prend de nos jours l'aspect de la règle des 3% décidée en commun au niveau européen, oui nous avons signé des accords que notre honneur nous engage à respecter. Mais plus encore, c'est le bon sens du père de famille soucieux de bien gérer ses deniers qui nous incite à poursuivre dans cette voie ! Moins de déficit c'est tout-de-suite moins de dette, et donc moins d'intérêts débiteurs à verser.
Donc n'attendez pas de moi et de mon équipe que nous nous éloignons de ce but ici ré-affirmé solennellement : la France fait et fera tout ce qui est nécessaire pour réduire son déficit public en-dessous de 3% de son PIB.
- La seconde chose importante que je tenais à vous dire ce soir est la suivante : revenons-en encore une fois à ce niveau de vie occidental qui a connu une hausse si spectaculaire en quelques décennies. Savez-vous à qui nous la devons encore cette hausse passée et pourquoi aujourd'hui il est impossible de continuer sur la même lancée ? prenez une mappemonde et faites-la tourner : nous ne sommes pas seuls sur notre planète. Et des centaines de millions d'habitants de cette planète commencent à peine à sortir de la misère à laquelle leurs ancêtres étaient condamnés : voilà la grosse différence avec le monde comme nous le connaissions dans les années 70 et 80.
Ces femmes et ces hommes travaillent souvent beaucoup plus dur que nous (ils n'ont pas autant de congés et leurs journées de travail sont plus longues) : ils gagnent de quoi vivre plus dignement qu'avant, et commencer à rêver aux produits de consommation auxquels nous sommes depuis longtemps habitués ici. En fait, ils font aujourd'hui le chemin que nos grands-parents ont fait il y a quelques générations en Europe. C'est ce phénomène qui s'appelle la mondialisation. C'est ce phénomène qui entraîne les conséquences que nous constatons tous les jours pour notre croissance ici. Il y a tout simplement plus d'hommes qui réclament leur part du gâteau.
Qui sommes-nous pour le leur reprocher ? est-il si difficile d'accepter qu'un ouvrier indien, africain ou brésilien prétende à la même qualité de vie qu'un ouvrier français ? La question est posée, c'est en ces termes dérangeants qu'elle se pose.
Nous avons vécu au-dessus de nos moyens pendant trop longtemps, et le reste du monde nous le rappelle aujourd'hui. L'heure est venue de répartir ce gâteau de la croissance plus équitablement. Moi je suis heureux à titre personnel que ces centaines de millions d'hommes ne vivent plus dans la misère, je suppose que vous l'êtes aussi et si ce n'est pas le cas vous devriez l'être ! Voilà la vraie solidarité, pas des mots creux mais des sacrifices faits au nom d'un bien général.
C'est ici qu'intervient une 3ème contrainte extérieure qui n'est plus tant économique que écologique et physique. En effet, j'entends déjà nombre d'entre vous me dire : nous sommes d'accord pour que les ouvriers indiens et tous les autres aient eux aussi la possibilité (les moyens financiers grâce à leur travail) d'acheter une voiture, une télévision, une machine à laver et tout ce dont nous sommes entourés ici. Elevons tous les salaires !
Hélas, cela est tout simplement impossible dans l'état actuel de nos techniques de production : les matières premières nécessaires à un tel élèvement général du niveau de vie n'existent tout simplement pas en assez grande quantité sur notre planète.
Et je ne veux même pas évoquer les conséquences désastreuses qu'aurait une telle hausse pour les niveaux de pollution partout dans le monde, alors même que nous tentons avec plutôt assez peu de succès de réduire les émissions de gaz toxiques, et de réduire le rechauffement de la planète.
Ce que je voudrais vous dire donc ce soir c'est que allons devoir changer profondément nos modes de vie. Nous n'avons tout simplement pas d'autre choix, et ceux qui prétendent le contraire (sortons de l'Europe, abandonnons l'euro) mentent. L'ère de la croissance indéfinie assurée à chaque génération est bel et bien terminée. Et il est plus que probable que nos enfants connaîtrons une vie moins confortable que la notre. Ce qui ne signifie pas qu'ils doivent nécessairement être plus malheureux ! C'est à cela que nous devons travailler, tous ensemble : imaginons un avenir différent, ou l'important sera dans ce que nous serons plus que dans ce que nous aurons ! De nouveaux modes de production et surtout de consommation, infiniment moins de gaspillages, plus d'efficacité à tous les niveaux, plus de solidarité et de partage : des relations entre individus ré-inventées. C'est ce que je vous propose et c'est ce à quoi je vais m'atteler pendant les trois années qui me restent à la tête de la France. Et l'important pour moi n'est pas de tout faire pour être ré-élu mais de tout faire pour que vous soyez plus heureux chacun à votre place dans notre beau pays. J'instaure dès demain la mesure du Bonheur National Brut : je ne veux plus vous entendre vous plaindre que tout n'est pas parfait, la perfection n'est pas de ce monde. Mais apprenons à apprécier ce que nous avons, et regardons d'où nous venons et tout le chemin parcouru. Où fait-il bon vivre si ce n'est en France (et chez nos voisins européens qui partagent tant de choses avec nous) au XXIème sicèle ? qui d'entre vous aurait préféré vivre en 1900 ? qui parmi vous choisirait d'être né en Inde ou au Pérou ? Réveilez-vous mes chers compatriotes, nous avons énormément de chance d'être où nous sommes et cette chance vaut bien les efforts que je vous demande pour la mériter et la conserver.
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