Rhode au jour le jour

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le dernier Houellebecq

Voilà, je l'ai lu moi aussi le "Soumission" de Michel Houellebecq, sorti le jour de l'attentat contre Charlie Hebdo. C'est étrange que l'association se fasse naturellement maintenant, entre ce livre et l'attentat... surtout avec le sujet du roman !

On a déjà énormément écrit sur l'auteur et sur son dernier roman, au sujet polémique s'il en est un : dans un essai satirique très bien construit de politique fiction, MH voit la France avec un chef de l'état musulman, chef d'un parti musulman parvenu tout-à-fait légalement au pouvoir et qui peu à peu, avec l'aide des capitaux saoudiens (!) bouleverse en douceur la république et ses institutions. Sans que son allié (objectif et réèl puisque dans le livre il y a un accord électoral entre eux) le PS s'offusque de quoi que ce soit, tétanisé par la peur d'être taxé de "raciste" ou pire, d'islamophobie...

C'est bien écrit et bien décrit : le lecteur y croit, car cette France ressemble encore beaucoup trop à celle d'aujourd'hui. MH lui-même déclare que ce scenario est "plausible", même si pas avant quelques décennies encore. Dans son livre il s'agit de 2022, dans moins de 10 ans... et là bien sûr je tique un peu : la Sorbonne devenue université islamique (privée, toujours les capitaux des monarchies du golfe) ? la polygamie autorisée, voire encouragée ? la mixité de l'enseignement supprimée et les femmes à la maison ? c'est cocasse, voire tentant (surtout quand Houellebecq parle du chômage et de la délinquance en chutes libres) mais je  n'y crois pas une seconde. Même dans trente ans.

Ceci étant, la simple lecture de cette transformation quasi pacifique (il y a bien quelques échaufourées avant les élections) fait froid dans le dos. Et je peux comprendre, vaguement, ceux qui reprochent à Houellebecq de rouler pour Marine le Pen. Pourtant il prend grand soin de ne pas se positionner, jamais : ni lui-même qui refuse absolument tout engagement, ni son "héros". Et on ne peut pas dire qu'il épargne non plus la droite dans sa satire ! Non, ce qui ne passe pas bien aux yeux de beaucoup de nos penseurs (qu'il s'agisse des journalistes ou des hommes politiques) c'est la critique non voilée (sans jeu de mot) de ces élites "collaborationnistes". La description des milieux universitaires est d'une férocité absolument réjouissante, qui doit faire grincer beaucoup de dents. En revanche, critiquer ce livre comme étant raciste ne me semble pas honnête : il est au contraire extrêmement modéré, comme les musulmans qu'il met en scène. La satire tourne d'ailleurs presque à l'épure, à la fable, tant elle est abstraite : point de détails superflus, ni de descriptions trop précises.

On retrouve toujours ce même ton Houellebecq, sobre et sec, à l'humour ravageur (ou est-ce du pur cynisme ? chez lui il est difficile de faire la différence). Difficile en revanche de ne pas rire franchement et souvent, mais pas partout : beaucoup de discussions politiques à l'intérieur du roman sont extrêmement sérieuses. On rit, mais un peu jaune malgré tout, car elle n'est pas jolie-jolie la France qu'il nous dépeint. Oui, MH est un méchant homme, mais j'aime sa méchanceté, sa lucidité, son absence de  pathos. Et une personne qui écrit des choses aussi drôles que lui ne peut pas être fondamentalement mauvaise.



20/01/2015
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