Rhode au jour le jour

Evidemment il n'est pas resté inactif celui-là pendant que j'étais sans ordinateur (et sans possibilité d'accéder à mon blog) ! Au lieu de calmer le jeu maintenant que plus personne ne parle de la Crimée dans les média, et à peine des sanctions, il fait monter les enchères dans l'est de l'Ukraine : mais il aurait tort de se priver bien sûr, personne ne va l'en empêcher chez nous.

Une fois de plus on assiste à une démonstration du "pire est toujours assuré", soit par incompétence, soit par manque de volonté politique. Car le "problème" de la Crimée, il est évident qu'il se serait posé un jour ou l'autre non ? Là-dessus je conteste la manière, pas le fonds. La Crimée aurait pu, si les hommes au pouvoir d'un côté et de l'autre avaient fait preuve d'un peu de vision politique, faire le sujet d'une vaste négociation à l'amiable, du temps où l'homme fort de Kiev était un fidèle de Moscou par exemple.

Non, bien au contraire, on a vu des maladresses énormes de la part du nouveau "pouvoir" ukrainien (on dirait qu'ils font tout pour donner des prétextes à Moscou), et maintenant que le pouvoir local ne lui est plus dévoué (soumis ?) le maître du Kremlin impose sa politique : cela revient à dire que Moscou et la Russie (peut-être tous les Russes) n'ont jamais accepté au fond l'indépendance de l'Ukraine, pays auquel ils sont intimement liés historiquement et culturellement.

Et maintenant encouragé par la réussite spectaculaire et peu coûteuse de l'annexion de la Crimée, Poutine se voit bien continuant sur la même voie, histoire de regagner ce que l'Union Soviétique a perdu en 1991.

Mais justement, si elle a "perdu" les pays Baltes, l'Ukraine et la Biélorussie notamment c'est parce qu'elle avait PERDU la guerre froide ! c'est le lot de tous les perdants dans l'histoire, Il faudrait que les Russes commencent par accepter le fait qu'ils ont perdu cette guerre. Ou plutôt que le communisme a perdu dans sa rivalité avec le monde capitaliste. Personne chez nous (en Europe occidentale) n'y a vu à l'époque une humiliation des Russes en tant que peuple : au contraire, je ne devais pas être la seule à me réjouir sincèrement de ces événements pour eux, pour eux et pour nous. Nous voyions la disparition de l'URSS comme une libération pour les populations soumises à cette dictature depuis 70 ans, en même temps que nous nous réjouissions de retrouver les pays d'Europe dont le rideau de fer nous avait séparés. Le retour du fils prodigue en somme.

Je suis peut-être trop naïve : j'ignore ce qui s'est réellement passé dans les chancelleries occidentales dans les années 90. Mais à voir comment ces mêmes chancelleries réagissent aujourd'hui mollement, en traînant les pieds, pour venir au secours de l'Ukraine menacée d'éclatement, je peux difficlement croire qu'elles ont joué les va-t-en guerre il y a 20 ans, et pour reprendre les termes d'un article de vendredi dernier dans le NRC, qu'elles se soient précipitées pour remplir le "machtsvacuum" ! Ce que Poutine reproche aux Occidentaux c'est notre avachissement justement : empêtrés par notre niveau de vie auquel nous tenons par dessus tout, nous serions prêts à toutes les compromissions.

Et alors, étions-nous vraiment si différents il y a 20 ans ? Je ne le crois pas. A lire Michel Krielaars (het Brilletje van Tchékov) ce sont les Russes eux-mêmes qui ont profité le plus des nouvelles possibilités économiques que leur offrait le capitalisme sauvage de Jeltsin. Au moins quelques uns d'entre eux, les milliardaires d'aujourd'hui, au luxe insolent et aux manières de nouveaux riches mal élevés.

Et si les ex-satellites de l'Urss se sont empressés de rejoindre l'Union européenne, c'était leur droit le plus strict non ? Alors oui l'Ukraine est un cas différent de, par exemple, la Pologne. Nous l'avons dit mille fois. Il aurait fallu être plus clair, plus net, et ne laisser planer aucune ambiguïté que le Kremlin s'empresse aujourd'hui d'exploiter.