deux livres
On ne pourrait trouver romans plus différents, par leur sujet bien sûr, mais aussi par leur ton : l'un est charmant, nostalgique, élégant ; l'autre actuel et brutal comme un coup de poing à l'estomac.
Je veux parler de "Mr. Wilder and me" de Jonathan Coe (excellent auteur) et de "Les Loups" de Benoît Vitkine dont je n'avais jamais entendu parler (ni du livre ni de l'auteur) et que Anne vient de m'offrir.
Je les ai lus en même temps et vient de les terminer. Et je les conseille vivement tous les deux !
Si je commence par Mr Wilder and me, que j'avais acheté l'année dernière mais pas encore trouvé le temps de lire, c'est d'abord un hommage de l'auteur à Billy Wilder et à un certain cinéma hollywoodien de la grande époque. En refermant le livre on n'a qu'une envie c'est de se précipiter sur Fedora (avec Marthe Keller !), dont le roman décrit en partie le tournage, et de revoir les autres films plus connus de Billy Wilder.
J'ai aussi très envie de lire un des livres cités comme sources par l'auteur, et qui parlent du célèbre metteur en scène à travers des entretiens ou des citations.
L'histoire est charmante, elle n'est qu'un prétexte : pourquoi Jonathan Coe a-t-il choisi précisément de raconter le tournage de ce film, un des derniers du metteur en scène et pas un de ses plus connus ? Je l'ignore.Je suppose qu'il est amateur de cinéma et particulièrement des films de Billy Wilder et qu'il souhaitait faire revivre cet homme et nous le rendre proche.
L'avantage c'est que l'action se situe en 1977, et que l'héroïne est de mon âge. L'action emmène le lecteur d'abord en Grèce, puis en Allemagne et enfin à Paris pendant tout un été. C'est à Paris ou aux environs, que se situe la meilleurs scène du roman : celle de la dégustation de Brie de Meaux chez un fermier, un hommage à la sainte trinité française : pain, vin et fromage ! Il semblerait qu'elle soit en partie véridique : Billy Wilder n'en est que plus sympathique.
L'autre livre est écrit par un journaliste français correspondant du Monde à Moscou : il connaît donc de première main le milieu qu'il décrit. Son roman est dédié à l'activiste ukrainienne Katia Gandziouk, morte en 2018 suite à une agression à l'acide, elle avait 33 ans. Il a été écrit avant le début de la guerre.
L'action se situe en Ukraine en 2012, donc avant l'annexion de la Crimée par la Russie. Mais les rapports de force décrits dans le roman reflètent sans doute parfaitement ceux d'aujourd'hui entre ces deux pays, l'Ukraine et la Russie. Et le moins qu'on puisse dire c'est que ça fait froid dans le dos !
A cela s'ajoute la description croquignolette du milieu des oligarques (ukrainiens) qui a tout d'un marigot rempli de crocodiles affamés... L'impunité règne, on règle ses comptes par la violence nue en ayant recours à la pègre locale sans laquelle rien n'est possible. Quand on n'est pas soi-même issu de la pègre, comme cela semble être le cas de nombreux oligarches. Triste tableau.
Le livre raconte les trente jours précédant l'inverstiture de la nouvelle présidente élue de l'Ukraine, Olena Hapko, la cinquantaine. Ce cadre contraint confère un réèl suspense à l'action, même si les flash-backs qui expliquent d'où vient Olena sont nombreux. L'action est bien menée, avec un sentiment d'inéluctabilité : pas facile de se débarasser de son passé dans un système où chacun est à l'affût de la moindre faiblesse de ses adversaires pour les abattre. On rétorquera : chez nous aussi le moindre faux-pas peut s'avérer fatal en politique, aujourd'hui où il est de bon ton de prôner la morale et la transparence. Sauf qu'en Ukraine il ne s'agit pas de morale, au contraire : le cynisme règne en maître. Il s'agit de survivre en étant le plus fort, en restant le chef de meute (d'où le titre du roman je suppose)
Le livre se lit comme un policier et j'ai passé un vrai bon moment même si la fin m'a semblé un peu bâclée. Et j'ai eu du mal à "croire" à l'un des personnages principaux, Semion l'ancien gangster : trop beau pour être vrai.
L'actualité et la guerre depuis février en rendent la lecture encore plus urgente : voilà un tableau de l'Ukraine que je ne suis pas prête d'oublier, et c'est à se demander en conscience si la perspective d'adhésion à l'Union européenne est une aussi bonne idée que ça...
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